J’aime tellement ce poème !
Tout en mouvement et sensuel.
Je vous offre cet instant magique...
J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore
au front des palais.
L’eau était morte.
Les camps d’ombres ne quittaient
pas la route du bois.
J’ai marché, réveillant
les haleines vives
et tièdes, et les pierreries regardèrent,
et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut,
dans le sentier
déjà empli de frais et blêmes éclats,
une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond
qui s’échevela à travers les sapins :
à la cime argentée je reconnus
la déesse.
Alors je levai un à un les voiles.
Dans l’allée, en agitant les bras.
Par la plaine, où je l’ai dénoncée
au coq.
A la grand’ville elle fuyait parmi
les clochers et les dômes, et courant
comme un mendiant sur
les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois
de lauriers, je l’ai entourée
avec ses voiles amassés,
et j’ai senti un peu
son immense corps.
L’aube et l’enfant tombèrent
au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Arthur Rimbaud,
Illuminations